Au milieu des années quarante, devenir » abstrait » est un acte qui engage profondément Ie jeune artiste. C’est un chemin plein de difficultés car il doit lutter contre l’ordre établi, mais aussi contre lui-même : en effet, il est imprégné malgré lui de la » logique » figurative qu’il a pratiquée jusque-là. C’est Ie cas de JD lorsqu’il expose en 1944 au Salon d’Automne comme peintre abstrait, et la situation dans laquelle se trouvent ses amis Dewasne, Gilioli, Poliakoff, Schneider ou Nicolas de Staël est à peu près la même. JD est arrivé à ce point de rupture avec la figuration au terme d’une évolution individuelle et solitaire. Son » apprentissage » de la peinture en autodidacte, loin de Paris, puis un séjour de quatre ans au Maroc, enfin les circonstances liées à la guerre l’ont empêché d’avoir connaissance des quelques activités de groupes d’artistes abstraits comme » Art Concret » ou » Cercle et Carré » qui ont lieu à Paris au cours des années trente. A titre d’exemple, Bernard Dorival (historien d’art et conservateur au Musée d’Art Moderne) ne mentionne même pas les manifestations des deux groupes en question dans son ouvrage en trois tomes, Les étapes de la peinture française contemporaine, publié chez Gallimard de 1943 à 1946. Pour tous les spécialistes d’alors, l’abstraction n’est qu’une Ecole étrangère, appartenant déjà au passé. JD ignore donc absolument toute l’histoire de la peinture abstraite qui existe pourtant depuis plus de trente ans ! Ce qui explique sa gratitude envers Domela qui lui ouvre sa bibliothèque et qui lui prête de nombreux documents. Ce qui
explique aussi l’importance des expositions Kandinsky et Magnelli à la Galerie Drouin au des manifestations du « Centre de Recherche » de la rue Cujas qui, aux lendemains de la Libération, sont de véritables révélations pour toute une nouvelle génération de peintres de sculpteurs, de critiques d’art et d’amateurs.