Après sa période puriste, Jean Deyrolle se sent beaucoup plus libre car il a réussi à éliminer ce que l’on pourrait nommer ses « automatismes figuratifs ». Il peut maintenant concevoir « qu’une non-figuration systématique n’est pas l’essentiel et que toute œuvre valable est celle où – incontrôlé au départ – un sentiment est enclos ». (Jean Deyrolle à Jean Grenier, 1960
Ayant décidé vers la fin des années cinquante de travailler et de vivre dans le Vaucluse, il éprouve souvent une sorte d’émotion panthéiste devant ce qu’il appelle « le spectacle de la nature ». Progressivement il découvre de nouvelles possibilités d’xpressions plastiques tirées (« abstraites ») de certains paysages. Mais pour lui : « L’art véritable a été créé par l’homme mais pas en copiant la nature ». La nature est informelle. Si nous admirons la forêt c’est qu’elle a été façonnée par l’homme. Et une montagne tient sa grandeur du fait qu’un route a été découpée sur ses flancs ». (ibidem)
Avant le travail, ou pendant qu’il est en train de peindre, Jean Deyrolle ne cherche jamais à analyser le sentiment à l’origine d’une peinture. « Cela aurait plutôt tendance à me gêner, soit que je tente alors de me conformer, soit que je m’efforce d’y introduire cette allusion figurative qui ne s’y trouvait pas au départ. » (ibidem)
Et de toutes façons, le « spectacle » catalyseur des sentiments du peintre ne doit pas avoir d’importance pour le spectateur puisque le véritable enjeu du tableau est la communication d’une émotion par des moyens exclusivement plastiques.
« Toiles médiatrices d’espace, toiles de nuit toute ajourées. De la terre, elles ont conservé les senteurs, la lumière, les menus bruits et son grand silence peuplé d’élytres et d’ailes : ocres de Roussillon, rochers de Gordes ou de Ménerbes, pierres des bories, paysages méditerranéens d’une architecture à la fois minérale et sidérale. Tout est là, chez Deyrolle, tapi dans la discrétion même de la couleur : le fauve du Lubéron, les collines par plans superposés, la calme géométrie des toits, la chaleur qui saisit et scintille, la grande écriture des champs, la terre odorante et nue, les signes du temps dans la pierre, les sentiers de garrigue, la nuit limpide et bleue. » (Jean-Pierre Geay, Deyrolle une peinture bien tempérée)