Querelle du froid et du chaud

C’est justement à l’époque où l’art abstrait commence à être reconnu à Paris qu’une polémique de plus en plus violente divise le milieu de la peinture abstraite. Controverse envenimée bien sûr par ses adversaires et par certains journaliste amateurs de simplifications et d’étiquettes commodes, mais aussi par tous les épigones besogneux, fraîchement convertis à l’art abstrait par opportunisme, rigides et dogmatiques surtout par incapacité d’utiliser autre chose que des procédés (ils changeront d’ailleurs de « style » quand « la mode » de l’abstraction sera passée).

Les peintres, les sculpteurs, les critiques, les galeries, les revues, les revues, tout le monde est classé soit dans le camp « chaud » (c’est à dire l’abstraction « lyrique »), soit dans le camp « froid » (l’abstraction « géométrique »). Il n’y a pas de place dans ce schéma réducteur pour JD, profondément indépendant, individualiste, et qui pratique tout à la fois une peinture maitrisée et gestuelle.

Léon Degand, critique d’art scrupuleux et méthodique (classé de ce fait du côté « froid ?) essaye pourtant de montrer l’ineptie de cette querelle : « …il existe bien, en peinture abstraite, comme en peinture figurative, des peintures froides et des peintures chaudes. Mais ne croyons pas que les signes extérieurs et conventionnels du froid (formes géométriques, toutes les apparences de ‘fini » de la technique) expriment nécessairement le froid, et les signes extérieurs et conventionnels du chaud (formes « libres », apparence d’inachèvement) nécessairement le chaud. Ne ressuscitons pas, en peinture abstraite, la vaine querelle des partisans d’Ingres et de Delacroix. [Langage et signification de la peinture, ed. de l’Architecture d’aujourd’hui, 1956]

« Ne nous fions pas aux apparences : Bernin, qui use du langage de la chaleur, est froid, et Seurat, qui use du langage du froid, est chaud. Et ne réglons pas davantage notre degré d’admiration selon le degré de température : Rubens et Mondrian ne se détruisent pas l’un l’autre. Un Julinas bien moelleux n’est pas l’ennemi d’un Sancerre bien sec. Foin des exclusives. Vive les gourmands! » [Art d’Aujourd’hui, janvier 1953]