Contrairement à beaucoup de ses amis peintres et sculpteurs, JD n’a jamais vraiment écrit sur l’art. L’idée même lui déplaisait car il se méfiait beaucoup des formulations théoriques. A Charles Estienne qui enquête, pour la revue Médium, sur « La situation de la peinture en 1954 », il répond : « Tout ça est beaucoup trop long et compliqué à expliquer. et si je peins, c’est pour ne pas avoir à l’écrire. « Il nous est parvenu cependant un certain nombre d’opinions exprimées à diverses époques : les propos recueillis en 1952 par Julien Alvard; une prise de position publiée en 1953 dans « Premier bilan de l’art actuel » aux Éditions du Soleil Noir; « Opinioni dell’artista » dans le son exposition de Milan en 1958; quelques réflexions à ses élèves de l’Academie de Munich, rapportées en particulier par son traducteur habituel Gerhard Fröbel; l’entretien de 1960 avec Jean Grenier; enfin la sténotypie de son exposé fait en 1964 àla demande du professeur Meyerson. Voici quelques extraits de ces interventions.
« Avant tout, je crois qu’il faut éviter de s’enfermer dans un système » (1952)
« Il ne faut pas s’émouvoir outre mesure d’une théorie, presque toutes les peintures trichent plus ou moins consciemment avec elle. Ce n’est pas une ironie et encore moins une critique. Pour moi, cette tricherie est un phénomène d’invention permanente et c’est, en définitive, elle qui nourrit l’évolution de l’artiste et empêche l’art de se scléroser » (1952)
« Ce problème de la figuration, je ne e le pose pas du tout quand je travaille et s’il y a figuration, elle ne peut qu’être inconsciente. ce que je cherche, c’est par la multiplicité et les combinaisons de formes, à atteindre à de multiples significations, carré, oiseau, chaleur, amitié, que sais-je? Lorsque la vision devient si multiple, on en vient tout naturellement à ne plus attacher d’importance au sujet présumé. Du reste, ce n’est que lorsque la toile est terminée qu’on peut discuter à fond couleurs, formes, dynamisme. Pendant le travail, le raisonnement n’intervenant pas constamment, tout semble intuitif. » (1952)
« ce côté physique [de la nature], on le retrouve du reste dans le travail. Une courbe venant du poignet n’a pas le même élan qu’une courbe tracée par le bras, lancée ave le corps tout entier. C’est peut-être de là, autant que de la touche, que naitrait une sensualité picturale que je ne veux pas rejeter ». (1952)
« Je crois de moins en moins aux règles (panacées) universelles, car à chaque moment apparaissent des réussites contre logique. Seule une discipline envers soi-même m’intéresse, à condition qu’elle n’étouffe pas toute fantaisie. Si j’en suis arrivée à ce point, c’est que j’ai senti l’élargissement de ma vision, la possibilité de traduire le monde que je vois, que je sens, dans un mode où le spectateur a sa plus grande part d travail et de création. Il n’est pas question de créer pour un monde futur (dont on ignore quels seront les besoins), mais d’être le témoin actif de son temps. » (1953)
« Je peins par plaisir et, je l’espère, pour le plaisir des autres. » (1954)
« Je pense que le peintre a grand intérêt à analyser la nature pour en comprendre les lois, les raisons d’équilibre, l’éloquence des formes. Même s’il doit ensuite entrer en révolte, il est bon qu’il sache ce qu’il veut nier, ou renier. Si le hasard m’a mis face à une forme plus expressive, je m’efforce de l’affirmer ou plutôt d’affirmer le sentiment qu’elle exprime sans chercher à lui donner une conformation figurative ». (1960)
« Le tableau devant être un support pour l’imagination du spectateur, j’essaye donc de lui procurer un vrai spectacle, avec renouvellement de sensations. » (1960)
« la peinture que je fais n’est pas véritablement une peinture de choc […], elle n’est pas faite pour être vue. Je dirais même vécue. » (1960)
« Il faut toujours que la peinture soit une aventure » (1959-1967)